Interview : Serge Prengel pour « Somatic Perspectives in Psychotherapy »
Transcription : Claire Cornello
Entretien traduit par Concetta DiFrancesco
(Rem : cette transcription est sensiblement différente de l’entretien original. Il a été revu par Raja Selvam afin de le rendre plus clair et plus riche en informations).
Serge : Ceci est un entretien avec Raja Selvam. Bonjour, Raja !
Raja : Bonjour, Serge.
Serge : Donc Raja, Vous avez développé une approche appelée e PSI (/ISP™). Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Raja : Avec plaisir, Serge. PSI (ISP) signifie Psychothérapie Somatique Intégrale et je vais vous expliquer brièvement de quoi il s’agit. Depuis longtemps, j’enseigne diverses approches corporelles du travail psychothérapeutique, c’est-à-dire comment rendre le travail psychologique plus efficace en y introduisant davantage le corps et la conscience de celui-ci que ce n’est le cas dans la psychologie ordinaire. A travers mes études et mon expérience, tant au niveau de mon travail avec les personnes que de mon enseignement à de nombreux cliniciens dans de nombreux pays, j’en suis arrivé à réaliser deux choses. D’une part, beaucoup d’informations relatives à la physiologie des émotions et au processus d’autorégulation qui n’a pas été intégrée à la pratique psychologie. D’autre part, il ne suffit pas de s’occuper du corps physique, le seul corps que la science reconnaisse comme étant la source de toutes les expériences, celui que l’on abandonne dans un cercueil ou que l’on fait incinérer lorsque nous mourons. Il est aussi important de prendre en compte le corps subtil, ce qui ne peut être mesuré par la science ou qui peut être mesuré au prix de grands efforts et de grandes dépenses comme dans la recherche en physique quantique ou physique des particules. Ce corps est appelé le corps subtil en Orient, par contraste avec le corps brut ou corps physique, le corps que l’on dépose dans un cercueil. Dans cet entretien, j’appellerai ce dernier le corps brut ou corps physique. Le corps brut a un niveau quantique comme tous les objets dans le monde en ont un. Cependant, le corps subtil n’existe qu’au niveau quantique. On l’appelle aussi couramment le corps énergétique en Occident, cependant cette dénomination peut être trompeuse ; en effet, tous les corps, brut ou subtil, sont tous constitués d’énergie et ne diffèrent qu’au niveau de la fréquence de cette énergie. Corps brut et corps subtil interagissent au niveau quantique. Je suis également formé en psychologie Orientale et dans la physique quantique moderne, je trouve des correspondances avec ce qui est (examiné, débattu) en psychologie orientale depuis longtemps. L’osthéopathie crânienne occidentale travaille aussi avec le corps subtil. Ils l’appellent le corps fluide et l’utilisent pour favoriser une régulation du corps physique plus profonde. Une différence entre ces deux approches réside en ceci que la psychologie orientale considère que le corps subtil peut survivre au corps physique et se réincarner et l’ostéopathie crânienne ne se prononce pas sur ce sujet. Personnellement, je trouve plus intéressant de travailler simultanément sur ces deux corps comme étant la source de toutes nos expériences : percevoir, penser, sentir, se souvenir, agir, se connecter, entrer en relation, etc. En fait, contrairement à ce que l’on croit habituellement, le travail avec le corps subtil n’est pas si difficile. Et à partir du moment où l’on inclut le corps subtil on peut tout aussi bien intégrer les corps brut et subtil collectifs plus larges que nous sommes ou dont nous faisons partie, selon le point de vue de chacun, et intégrer aussi la dimension de la conscience pure, le corps absolu ou être essentiel de tous les corps dont nous sommes constitués, selon la psychologie orientale. En psychologie occidentale, il y a diverses approches qui amènent le corps brut à travailler sur le plan psychologique, et quelques approches qui intègrent le corps subtil comme en psychologie énergétique qui se base sur la notion de méridiens. Il y a aussi quelques écoles de psychologie trans-personnelle qui considèrent que les corps brut et subtil collectifs exercent une grande influence sur notre psyché.
Et il y a des approchent qui amène l’état de conscience dans le travail psychologique. Presque toutes les approches de « mindfulness » travaillent avec l’état de conscience d’une façon ou d’une autre. J’ai donc pensé qu’il serait plus efficace d’intégrer le plus de corps et de trouver des moyens simples pour enseigner aux cliniciens d’orientations diverses comme s’y prendre pour incarner les différents corps ou ces trois dimensions dans leur pratique sans pour autant devoir changer les diverses orientations théoriques dans lesquelles ils sont formés pour travailler avec leur clients. Mais l’objectif principal the l’approche de la Psychothérapie Somatique Intégrale ou PSI / ISP est de trouver comment trouver des façons simples pour intégrer le corps brut individuel dans n’importe quel travail psychologique en utilisant les recherches disponibles relatives à la physiologie des émotions et de l’autorégulation et en intégrant le corps subtil individuel et ses diverses couches dans toute situation clinique. Par exemple :
Serge : Laissez-moi peut-être vous interrompre un instant car il y a beaucoup de choses là / dans ce que vous venez de dire.
Raja : Certainement.
Serge : Donc, il s’agit ici d’intégrer ou de tenir compte du corps comme d’un canal pour traiter des phénomènes psychologiques. Mais particulièrement quand vous parlez du corps et que vous faites la distinction entre le corps subtil
et le corps de l’expérience quotidienne. Aussi, peut-être pourrions-nous nous arrêter un peu plus sur ce corps subtil de niveau quantique.
Raja : Oui, en psychologie orientale, ce n’est pas seulement le corps physique qui détermine l’expérience de la personne tel que c’est considéré par la science et la psychologie occidentale. Le corps subtil aussi intervient beaucoup dans l’expérience. Le fait de croire que le corps subtil passe d’une vie à la suivante est un point discutable ; personne ne peut réellement prouver que c’est vrai ou pas en mesurant ceci ou cela. Il y a ceux qui citent des recherches très crédibles sur la réincarnation pour justifier son existence. Mais d’un point de vue clinique pratique la question que nous devons poser est la suivante : peut-on l’amener à la conscience de quelqu’un ou l’intégrer dans le travail pour aider les gens à mieux résoudre leurs problèmes ordinaires ? Et c’est ce que les psychologies énergétiques ont tenté de faire. D’autres questions se posent : qu’est-ce que le corps subtil ? est-ce un corps de matière ? Evidemment c’est un corps de matière, comme tout est matière. C’est une matière subtile, toutefois, au niveau des phénomènes quantiques, le sujet de la physique des particules ou quantique. Lorsque les gens d’orient parlent de chakras, de méridiens, d’éléments et de corps bruts et subtils, en réalité, ils parlent de leur compréhension intuitive de leur conscience du corps en termes de réalités de niveau newtonien non-quantique et quantique moderne. Ils distinguent le corps brut composé d’éléments bruts constitués par la combinaison d’éléments subtils et le corps subtil composé uniquement d’éléments subtils ou quantiques. Mais pour ce qui nous concerne, qu’ils soient des corps différents ou qu’ils soient juste des niveaux différents du même corps, cela n’a pas une importance particulière pour autant que nous puissions utiliser ces modèles pour observer et incarner des nouveaux phénomènes et travailler avec ceux-ci afin de rendre notre travail et le monde meilleurs.
Serge : Donc, nous ne parlons pas d’un débat sur l’existence théorique de ce niveau quantique du corps subtil. Nous sommes en train de parler du fait d’avoir l’expérience, et the la conscience de celle-ci de manière à l’utiliser ?
Raja : Exactement. C’est plus facile de le faire que d’y croire, pour autant que l’on sache comment éduquer un client à propos de ces choses.
Serge : Ah oui ?
Raja : Oui. Par exemple, quand les gens n’ont pas la capacité d’être conscients du bas de leur jambe à partir du genou.
Serge : oui ?
Raja : Quand ils ne savent pas faire cela, ils ne savent pas aller plus profondément dans aucune sensation. A l’inverse, nous remarquons que lorsque quelqu’un va plus profondément dans n’importe quelle sensation, le bas de la jambe est plus ouvert et accessible à la conscience. Et la sensation est également plus stable. Il y a un changement dans le corps physique en termes de tonus de la musculature mais aussi un flux, une fluidité plus grands, une énergie qui ressemble à de l’eau ou à de l’air dans les jambes. Et cela fait fortement sens du point de vue oriental. Si on travaille avec les sensations et que les gens ont de grosses difficultés avec leurs sensations, cela a beaucoup de sens d’ouvrir l’énergie dans les jambes. Le flux du chakra du cœur régit les sensations envers soi et les autres et cette énergie a aussi besoin de circuler dans le bas des jambes afin que ces sensations deviennent plus profondes, plus tolérables et avoir lus de sens. Et lorsque nous les aidons à faire cela, nous remarquons que les gens entrent plus dans leurs sensations, sont plus en mesure de les tolérer et ont une meilleure compréhension de ce qu’ils ressentent. Il est intéressant de noter que dans le système de psychothérapie corporelle danois, la Bodynamic Analysis, un système basé sur une étude empirique des fonctions psychologiques de divers muscles dans le corps, les muscles du bas des jambes ont aussi un rapport avec le fait qu’une personne soit ou non capable de s’enraciner dans ses sensations ou reste dans une relation trop abstrait à celles-ci.
Serge : et comment s’y prend-on pour s’assurer que l’énergie aille dans les jambes ?
Raja : Afin de faire cela, nous pouvons travailler avec le corps physique, sa musculature, ses ligaments, ses os, avec de simples mouvements que presque tout clinicien peut aider ses clients à effectuer. La conscience de quelque chose aide généralement à mieux soutenir cela. Cela ne doit pas être la vérité, qu’il y ait effectivement quelque chose que l’on appelle le corps subtil ou énergie ou autre, cela n’a réellement pas d’importance. Ce qui est important c’est que quand les clients acceptent de pister et soutenir ces choses, ils semblent aller beaucoup mieux et plus rapidement.
Serge : Bien, pouvez-vous ralentir un peu ici. Ce que j’entends, ce que je comprends est qu’en étant attentif à ce corps subtil un des effets observables sera, par exemple, une meilleure circulation des émotions et des sensations Mais nous y arrivons en y étant attentifs à travers le côté physique du corps. Donc, d’une certaine manière, un observateur extérieur pourrait voir ce que vous faites comme étant une attention portée à la dimension physique du corps et qui a pour effet que quelque chose se passe. Mais il semble y avoir quelque chose de plus que cela dans ce que vous faites. Ce que vous faites n’est pas simplement être attentif au corps physique, mais d’agir sur le corps subtil d’une certaine manière par cette pratique.
Raja : Eh bien, oui, et la réponse à votre question perspicace est un peu compliquée. En psychologie orientale, le corps subtil est en fin de compte la source de toute expérience et régulation dans le corps brut. Selon cette logique, si nous travaillons avec le corps brut et y provoquons un changement, nous devons travailler avec et amener un changement dans le corps subtil en même temps. La conscience peut être plus identifiée ou moins identifiée à chaque corps qui constitue notre existence comme étant l’être racine de tous nos corps. Il y a des gens qui travaillent avec leur conscience du corps subtil pour amener le changement dans le corps brut. Mais étant donné que nous avons tendance à être plus identifiés à notre corps physique appelé le corps brut en orient, il est plus logique de travailler avec notre conscience de celui-ci d’abord. Mais à un certain moment, il devient également important d’être conscients des mouvements de notre corps subtil et travailler avec ceux-ci pour récolter les bénéfices que cela apporte. Certains disent que la capacité de pister et travailler avec le corps subtil peut amener des changements plus importants et plus rapides qu’en pistant et en travaillant avec le corps brut. Les qualités du corps subtil sont différentes de celles du corps physique. Et si nous ne recherchons pas ces qualités, nous nous retrouvons à pister uniquement les sensations du corps brut par le cerveau. Toutefois, notons que tant qu’il y a de la vie dans le corps brut il est presqu’impossible pour la plupart des gens de distinguer la conscience du corps subtil de la conscience du corps physique excepté en de rares expériences telles que les états proches de la mort ou des expériences de sortie du corps.
Serge : Intéressant
Raja : En effet. Je continuerai en disant que, les sentiments, par exemple, sont souvent les choses les plus importantes avec lesquelles nous travaillons en psychothérapie. La sagesse conventionnelle en psychologie est que presque toutes les pathologies découlent de l’incapacité à sentir et tolérer certains états qui sont souvent de nature affective.
Les états affectifs sont des sensations complexes dans ce que l’on appelle ici le corps physique et le corps brut en orient et les états énergétiques complexes au niveau du corps subtil. Et c’est l’interaction entre les deux qui fait naître le sentiment ou affect. C’est une expérience à divers niveaux et interactive complexe et qui concerne au moins deux corps. Lorsqu’on essaie de réguler des états affectifs par des stratégies de conscience qui pistent les sensations uniquement au niveau du corps brut, ils ne voient que l’arbre qui cache la forêt. C’est là une des faiblesses des approches qui pistent les sensations, aussi valables que soit chacune d’elles pour des objectifs spécifiques. Nous devons augmenter notre capacité à pister de plus en plus de systèmes ou de corps et, simultanément, leurs interactions ainsi que des expériences de plus en plus complexes, sans les fragmenter en micro-sensations ou énergies, afin de pister et réguler nos expériences psychologiques de manière significative.
Serge : Bien, bien, donc lorsqu’on se concentre sur le fait de pister la sensation, on pourrait ne voir que l’arbre et ne pas voir la forêt ? Donc, en pratique, lors d’une séance, comment parvenez-vous à pister le flux d’une expérience qui est plus complexe ?
Raja : La capacité à pister la sensation individuelle est une étape importante. C’est comme apprendre l’alphabet du langage du corps. Par exemple le chaud et le froid et la constriction et l’expansion dans certaines parties du corps. Le fait de sentir des sensations aussi simples peut établir une meilleure boucle de feedback entre le cerveau et le corps par les canaux afférents et efférents des systèmes nerveux autonome et somatique ce qui augmente la capacité du cerveau à mieux réguler le corps. Cela peut aussi contribuer à réguler des expériences émotionnelles. Par exemple, le fait de ressentir de la tristesse ou de la peur et de voir en même temps où ces sentiments sont ressentis dans le corps ainsi que les sensations qui les accompagnent peut aider à réguler ces expériences émotionnelles et le corps en même temps. Lorsque nous pouvons ressentir différentes parties du corps en détail en tant que sensations, cela nous donne la possibilité de générer, sentir et réguler des phénomènes plus complexes relevant des émotions tels que l’amour et la déception. Mais les gens qui sont habitués à sentir les sensations corporelles dans toutes sortes de situations peuvent se retrouvés piégés par un cerveau qui piste sans distinction des micro-sensations ou mouvements en raison du phénomène d’habituation. Donc, pour cette raison je ne demande même pas aux gens ce qu’ils sentent pour la simple raison que s’ils ont l’habitude de sentir leur corps tout le temps, ils vont retourner à des sensations de chaud ou froid, et de constriction ou expansion, de picotement, etc. D’abord, je vérifie l’expérience psychologique, la forêt si vous voulez. Je suis à la recherche de l’expérience psychologique significative. J’explore les états de sentiments qui pourraient être raisonnablement attendus, s’ils ne les montrent pas déjà sur leur visage ou s’ils les citent dans leur prise de conscience. Ensuite, je leur demande se sentir ces sentiments ou d’autres états dans le corps, où ils se trouvent, comment ils sont, sans leur demander s’ils ressentent des sensations spécifiques. pour être plus clair, différentes approches qui pistent la sensation et le mouvement, telles que le Vipassana, le Focusing, le Mouvement Continu ou Authentique sont de merveilleux systèmes qui offrent de nombreux bénéfices. C’est la raison pour laquelle ils continuent à être appréciés et pertinents. Mais quand on les utilise pour la régulation psychologique voire physiologique, il faut bien établir une distinction sur base d’une compréhension de leurs avantages et désavantages, de leurs forces et faiblesses.
Serge : Je vois
Raja : Nous savons grâce aux travaux de la scientifique moléculaire, Candace Pert, qui a presque reçu le prix Nobel pour sa découverte des récepteurs opiacés dans le cerveau, qu’une expérience émotionnelle traverse en cascade ou a un impact sur toutes les cellules dans le corps en quelques secondes. Plus l’expérience est intense plus elle affecte tout l’organisme. En thérapie, les gens font souvent état de sensations dans le cœur ou au-dessus du diaphragme et l’expriment par la région de la tête, du cou ou du visage. Donc très souvent, l’expérience et l’expression d’une émotion reste bloquée au-dessus du diaphragme. Et une façon de travailler avec l’état de sentiment, de le générer, de le sentir plus complètement, et même de le tolérer, est d’ouvrir tout le corps à l’expérience le plus possible par la prise de conscience, le mouvement, la respiration ou l’auto-toucher dans différentes directions. Et lorsqu’on fait cela, nous avons une expérience plus complète du sentiment, une plus grande capacité à la tolérer et même une compréhension plus cohérente de sa signification. Souvent, s’ils ne se diffusent pas en-dessous du diaphragme, il est très difficile d’atteindre les racines inconscientes de leurs sentiments. Le deuxième chakra, en psychologie orientale, est associé à l’élément eau et est la voie d’accès à l’inconscient et à la créativité. Très souvent, quand les gens ne sentent que la région du cœur, au-dessus du diaphragme, et des émotions, ils ont de grandes difficultés avec celles-ci car leur énergie est confinée dans des zones étroites dans leurs corps brut et subtil sans que leur énergie du chakra du cœur puisse circuler dans les zones en-dessous du diaphragme. De plus, le manque de connexion à l’énergie du deuxième chakra dans la région pelvienne et sa circulation dans les régions inférieures du corps empêche que les sentiments deviennent plus complets et que leur origine inconsciente devienne plus claire, et rendent moins accessibles les solutions créatives nécessaires à leur résolution. Les gens sont confrontés à un processus qui va et vient entre le cerveau et la partie supérieure du corps au-dessus du diaphragme, un processus d’associations multiples qui se prolonge mais qui ne va pas en profondeur dans les sentiments et les schémas et raisons sous-jacentes à ceux-ci.
Serge : Tout ceci est très intéressant mais je vais à nouveau ralentir un peu à ce stade pour revenir sur ce dont vous parliez antérieurement afin de clarifier quelque chose. Ce que j’ai entendu est que vous ne commencez pas par les sensations mais plutôt par quelque chose qui est plus global comme un sentiment ?
Raja : Oui, l’expérience.
Serge : L’expérience ?
Raja : L’expérience psychologique et où elle se trouve dans le corps ou comment le corps en est affecté. Des expériences telles qu’un sentiment ou une impulsion pour faire ou ne pas faire quelque chose.
Serge : Et ensuite ?
Raja : Et où elle ne se trouve pas et pourquoi elle ne se trouve pas dans le corps.
Serge : Par opposition à commencer par la sensation parce que cela pourrait signifier ne pas voir la forêt derrière l’arbre ?
Raja : Oui, ça pourrait amener à cela, surtout chez les personnes qui pistent très bien les sensations et se perdent dans celles-ci sans parvenir à en faire des expériences plus grandes et lus significatives sur le plan psychologique. Il est possible que lorsque les personnes commencent par sentir le corps à travers des sensations subtiles, ceci puisse constituer une boucle de feedback entre le cerveau et le corps qui favorise une expansion dans les corps physiques et subtils des expériences dont l’expression ou la constitution étaient retenues antérieurement. Mais il n’y a aucune garantie que ceci se produise. Cela dépend du fait que les personnes elles-mêmes ou avec l’aide d’autres soient ou non en mesure de générer des expériences significatives et les décoder comme telles. Et la capacité des personnes à faire cela par elles-mêmes dépend du fait qu’elles aient été soutenues par d’autres personnes pour générer des expériences et leur donner du sens, dans le passé. Si elles ne peuvent faire cela et si elles sont habiles à pister les sensations corporelles et les mouvements d’énergie, ce processus pourrait juste réguler les corps et les ramener à un endroit plus calme ou un équilibre habituel sans transformation psychologique significative ni aucun bénéfice.
Serge : Hum, hum.
Raja : je vais vous donner un exemple. J’ai déjà eu des patients qui pistaient les sensations depuis des années et qui sont venus chez moi avec des symptômes d’anxiété. Si l’anxiété est basée sur la peur ou la peur de quelque chose qui n’est pas fondé sur la réalité présente, la personne a besoin de la sentir autant que possible et la tolérer et la soutenir jusqu’à ce qu’elle diminue sans s’attacher à quelque chose d’autre comme cause extérieure émanant de la vie présente de la personne. La peur sera accessible et gérable dans la mesure où la personne se sent soutenue par vous pour la sentir et dans la mesure où les corps brut et subtils peuvent être expansés pour l’accueillir. Mais dès qu’ils comprenaient où la peur se localisait dans le corps, à partir de mes propos, ils déviaient immédiatement et par habitude leur conscience vers le fait de pister leurs sensations telles que les picotements, la chaleur, etc. et s’écartaient de la situation psychologique et des sentiments qui sont des ensembles complexes de sensations à travers des systèmes multiples dans le corps. De cette façon, ils ne pistaient ni ne développaient une capacité pour des expériences plus complexes dans le corps. Ils avaient juste appris à dissiper des expériences significatives en pistant des micro-sensations et mouvements. Et donc, avec le temps, j’ai appris à ne pas demander aux gens de pister des sensations lors des formations que je donne sauf pour ouvrir et avoir accès au corps pour pister des expériences plus significatives dans celui-ci. Pour les formations en ISP que je donne, je demande que les candidats soient des cliniciens expérimentés qui travaillent sur le plan psychologique depuis un certain temps. Je demande également qu’ils aient une connaissance adéquate du corps, par la Somatic Experiencing®, la Psychothérapie Sensory-Motrice, la Bioénérgie ou tout travail corporel ou toute formation ou pratique qui leur permette de déjà bien connaître leur corps, de sorte qu’il ne leur est pas étrange de sentir leurs sensations corporelles, sinon dans toutes les parties de leur corps, au moins dans quelques-unes.
Serge : Hum,hum.
Raja : Pour prendre un exemple concret, prenons l’expérience de la douleur. Je dirai : Où se trouve la douleur dans le corps ? Et où ne se trouve-t-elle pas ? Pourquoi ne me mettez-vous pas la main sur l’endroit où vous dites qu’elle très difficile à tolérer ou à l’endroit où elle n’est pas présente de manière à pouvoir ouvrir ou connecter cette partie du corps à votre expérience ? Si ce n’est pas sous le diaphragme, voyons comment nous pouvons ouvrir le diaphragme pour permettre à la partie inférieure du corps de prendre part à l’expérience ? Pourquoi ne bougez-vous pas le cou de telle sorte que la douleur puisse aussi venir dans votre visage ? Et ensuite, bougez les bras ou amenez vos bras à votre conscience afin qu’ils puissent aussi faire partie de l’expérience. Pourquoi ne placez-vous pas une main sur le cœur et l’autre sur le rein ou bougez le bas de la jambe afin que l’énergie du chakra du cœur puisse circuler plus facilement dans votre corps pour rendre votre expérience de la douleur plus complète et plus tolérable ? De cette manière, j’amène les gens à pister leur corps en lien avec leur expérience d’une manière significative et non pas juste pister des sensations de manière isolée et sans but. En même temps, je guide l’expansion du corps physique dans des directions qui ont du sens en ceci qu’elles augmentent l’auto-régulation dans le corps physique et augmentent la disponibilité des énergies du corps subtil.
Serge : Donc, vous parlez de l’expérience comme d’un ensemble et à partir de là, vous éveillez la curiosité sur où elle se trouve, où elle ne se trouve pas, et c’est ainsi que le pistage se passe dans ce contexte.
Raja : Oui. Et ensuite, il faut savoir comment aider le client à pister et travailler avec leurs corps de manière telle que les corps brut et subtil soient ouverts et aussi reliés que possible l’un à l’autre pour soutenir l’expérience qui se déroule et qui provient d’ un endroit spécifique. Le corps physique brut est constitué de couches qui peuvent se fermer dans une expérience submergeante. Les tissus des muscles, des organes et du système nerveux central peuvent tous se contracter au cours d’une expérience difficile. Il faut savoir comment guider les clients pour ouvrir les différentes couches du corps physique et comment favoriser les échanges entre ses différentes couches afin de réduire les effets de la dérégulation et en même temps soutenir une expérience qui amène de la dérégulation telle que la peur. De plus, il faut savoir comment aider les clients à devenir plus conscients de et travailler avec les différentes couches du corps subtil en relation les unes avec les autres. Et également de veiller à ce que les énergies du corps subtil interagissent au maximum avec le corps brut . Selon la Thérapie par Polarité, lorsqu’elles sont contractées, diverses zones du corps physique peuvent empêcher le flux d’énergie de différents éléments du corps subtil venant de différents chakras de circuler dans le corps physique vers une expression plus complète des expériences de vie nécessaires. Par exemple l’énergie du chakra du cœur ne circulera pas dans le corps si les zones du gros intestin, du rein et du bas de la jambe sont bloquées d’une manière ou l’autre. Donc, quand nous travaillons avec une douleur qui submerge la zone de la poitrine, nous faisons un certain nombre de choses avec les couches du corps physique lui-même. Nous travaillons avec la zone de la poitrine avec la prise de conscience, l’auto-toucher et, si c’est possible, avec la respiration pour garder cette zone ouverte pour l’expérience et pour réduire la dérégulation ou une charge excessive dans la zone de la poitrine. Ceci est possible parce que, quand les zones voisines de la poitrine, de la tête et des bras sont plus ouvertes et mieux connectées grâce à une augmentation du flux du système cardio-vasculaire et nerveux, alors non seulement le corps physique est moins dérégulé mais il est dans de meilleures conditions pour générer, partager et tolérer une expérience difficile telle que la douleur. Nous travaillons aussi avec la conscience, le mouvement ou l’auto-toucher avec les zones du gros intestin, du rein et des jambes inférieures qui risquent de bloquer l’énergie du corps subtil émanant du chakra du cœur et l’empêcher de circuler dans le corps physique brut. En faisant cela, nous remarquons que les gens ont plus de capacité à aller plus profondément dans leurs sensations telles que la douleur. Cela leur permet de rester plus régulés physiquement et émotionnellement. La théorie de la psychologie orientale, sur laquelle se fonde la Thérapie par Polarité, dit que le corps subtil est, en fin de compte, la source de l’expérience physiologique et psychologique et de la régulation. Donc, ces bénéfices sont prédictibles de ce point de vue-là. La théorie de la psychologie occidentale, d’autre part, dit que le cerveau est la source de toute expérience et régulation physiologique et psychologique et donc il lui manque une source importante d’expérience et de régulation en amont dans la psyché des êtres humains. Ce que je fais dans l’approche de la Psychothérapie Somatique Intégrale, ou ISP / PSI, c’est apporter les bénéfices des deux perspectives pour maximiser l’efficacité du traitement.
Lorsqu’on ouvre le corps et que l’on est attentif à l’expérience psychologique à l’intérieur, celle-ci peut être intense. Mais nous pouvons l’ouvrir de telle manière qu’il soit mieux régulé ou moins dérégulé au cours d’expériences déplaisantes, d’une telle manière que les couches du corps physique y compris le cerveau soient plus ouvertes et en communication les unes avec les autres. On peut ouvrir les couches du corps subtil de manière à ce qu’elles circulent, dans un meilleur équilibre entre elles, et en interaction plus grande avec le corps physique. Ainsi, les directions dans lesquelles nous élargissons le corps physique pendant le travail psychologique sont sous-tendues par la théorie et la logique. Si nous procédons ave c sagesse dans ce travail, en utilisant les découvertes scientifiques sur l’autorégulation et les bases physiologiques de l’expérience lorsqu’on travaille avec le corps brut ou physique, ainsi que la psychologie orientale pour travailler avec le corps subtil, l’expérience difficile peut paradoxalement être moins difficile à traiter. Ceci réduit la résistance consciente et inconsciente que nous avons tous envers les expériences déplaisantes. On peut traverser des expériences difficiles et les résoudre lorsqu’elles se produisent sans être bloqués dans le passé en étant vigilant à ce qu’elles n’émergent pas à nouveau en souffrant de symptômes psychosomatiques et psycho-physiologiques tels que la fatigue chronique ou fibromyalgie, parmi d’autres choses.
Les formations en PSI / ISP mettent l’accent sur l’expérience personnelle parce que les personnes qui sont déjà familiarisées avec le corps doivent désapprendre les manières de pister qui leur sont familières et habituelles et de travailler avec leur corps pour véritablement apprendre la différence. Dans une formation récente, trois étudiants qui souffraient de symptômes de fibromyalgie depuis longtemps, ont fait état d’une remarquable résolution de leurs symptômes quand ils ont travaillé avec la régulation psychologique d’une expérience difficile tandis qu’ils assistaient à la disponibilité du corps brut et du corps subtil et à la régulation en même temps. Nous devons bien sûr voir s’ils peuvent rester sans symptômes dans le long terme pour pouvoir déclarer que ce résultat est valable. Mais ce qui s’est passé pendant ce cours était un signe encourageant. Mais j’entends qu’il y a des résolutions remarquables de symptômes de longue date comme des migraines et de l’asthme même après une seule session, que je ne m’étonne plus d’en entendre parler. La régulation psychologique, la régulation du corps brut et la régulation du corps subtil sont les trois piliers de la Psychothérapie Somatique Intégrale. Lorsque les trois sont faites en même temps et en relation entre eux, de tels résultats sont possibles, en effet, dans mon expérience.
Serge : Donc Raja, vous êtes en train de parler de comment l’énergie peut être bloquée et comment cela peut, à son tour, inhiber le processus tant psychologique que physiologique. Vus êtes en train de parler de comment on travaille avec l’énergie pour la faire circuler à nouveau et comment ce flux permet effectivement au processus de régulation psychologique et physiologique de se produire. Et que pour bien faire cela, vous devez avoir une feuille de route permettant de localiser où les divers circuits se trouvent et les directions et les endroits vers lesquels l’énergie doit circuler, et ce qu’il faut faire pour favoriser ces flux.
Raja : Oui, exactement. Et en même temps, que faire dans le corps physique lui-même pour maximiser la régulation physiologique et psychologique, avec la guidance des résultats scientifiques dans les champs de la neurophysiologie de l’auto-régulation et la physiologie des émotions, des relations et d’autres expériences psychologiques. Et la méthodologie doit être suffisamment simple. Sans cela, les psychothérapeutes de différentes disciplines ne peuvent pas vraiment la comprendre facilement. Et elle doit être présentée de manière à ce que ce ne soit pas trop difficile pour eux de l’intégrer dans différents cadres de référence et orientations avec lesquels ils travaillent en thérapie.
Serge : Hum, hum.
Raja : Pour que des cliniciens avec différentes orientations puissent utiliser cette approche dans leur pratique pour la rendre plus incarnée. Pour répéter, nous ne sommes pas juste en train de parler de l’utilisation du corps subtil pour rendre le travail meilleur. Nous parlons aussi du travail avec le corps subtil en connexion avec le corps physique et le travail avec le corps physique lui-même. Au plus nous pouvons accompagner les aller et retour des flux du système nerveux dans le système nerveux autonome afin que l’information de la zone connectée au système nerveux autonome – les organes, les glandes ou les vaisseaux sanguins – arrive au cerveau et que l’information du cerveau arrive o ces zones de sorte que le cerveau puisse non seulement mieux réguler ces zones mais puisse aussi utiliser ces zones pour mieux générer et réguler les expériences psychologiques. Et au plus nous pouvons accompagner les flux afférents et efférents le long des canaux somatiques du système nerveux, au plus le cerveau a la capacité de réguler les muscles et de les utiliser pour générer et réguler des expériences psychologiques. Alors, la manière de faire cela dans le corps physique lui-même à travers les trois couches du corps physique a été simplifiée et utilisée avec une grande efficacité pour aider les survivants Indiens du Tsunami de 2004. Nous avons publié ces résultats dans « Traumatology » en 2008, une revue scientifique sur le traumatisme.
Serge : Oui.
Raja : Aujourd’hui, nous avons un projet sur plusieurs années au Sri Lanka. Nous sommes occupés à former, dans la zone du nord du Sri Lanka qui a connu un conflit armé, cent soixante conseillers pour le traitement de symptômes de stress post-traumatique causés par le traumatisme de guerre, la perte, la violence, déplacements. La guerre civile de trente ans a pris fin voici quelques années seulement. Là, nous utilisons des cartes routières simples, pas nécessairement pour travailler avec le corps subtil, mais plutôt avec le corps physique – comment ouvrir les différentes couches de la physiologie et comment favoriser les flux des systèmes cardio-vasculaire et nerveux à travers les différentes couches du corps tandis que nous travaillons avec les expériences terribles que ces personnes ont traversées. Nous observons que cela les aide à ramener ces terribles expériences à la surface, à les tolérer et à travailler avec celles-ci plus efficacement qu’avec les autres méthodes d’accompagnement qu’ils avaient apprises jusque là.
Serge : Oui, donc la restauration des flux à travers les couches du corps physique est la voie que vous utilisez.
Raja : Oui. C’est une voie, si vous voulez. Ceci convient mieux aux psychothérapeutes occidentaux formés scientifiquement. Mais nous aidons les personnes en utilisant aussi le corps subtil individuel et les corps subtil et brut collectifs qui constituent l’individu, directement et indirectement. Je vais vous donner l’un ou l’autre exemple pour rendre ces idées plus concrètes.
Serge : O.K.
Raja : Après le tsunami de 2004, un garçon de 10 ans est venu vers nous alors que nous terminions notre travail dans un village du sud de l’Inde. Il pris une main d’une de nos thérapeutes et mis sa main sur sa poitrine en disant « Tsunami, cogne, cogne, cogne. » Il avait des palpitations et de l’anxiété chaque fois qu’il pensait au tsunami ou que quelqu’un ou quelque chose le lui rappelait. Il était clairement rempli de peur quand il en parlait. Nous lui avons donné un rapide traitement et lui avons appris ce qu’il pouvait faire qui l’aiderait la prochaine fois qu’il aurait ces symptômes. Voici comment cela s’est plus ou moins passé. Le tout était assez simple. Nous lui avons dit : « oui, un tsunami, c’est quelque chose de très effrayant et le corps peut se charger comme quand tu court très vite, et le corps peut avoir des difficultés à gérer tout e cette peur et cette charge dans le corps. Le corps essaie de réduire cette expérience à un espace le plus petit possible et de mettre un couvercle dessus. Et donc, de cette façon, la peur et la charge sont bloqués dans la poitrine et elle devient dure. Autant de peur et une telle charge qui se trouvait dans tout le corps et qui est bloquée dans ce petit espace peut submerger cette zone et occasionner des difficultés telles que l’anxiété, des difficultés respiratoires et un rythme cardiaque irrégulier. Nous lui avons enseigné comment ne pas fuir cette peur et cette charge et trouver un moyen de créer un espace plus grand pour elles de sorte que le corps ne se contracte pas et ne se tende pas, et qu’il puisse contenir toute cette peur et cette charge dans la poitrine qui provoque ces battements. Nous lui avons enseigné plus spécifiquement à mettre sur la poitrine, bouger le bras droit et ensuite le bras gauche, et sentir l’ouverture dans toutes ces parties du corps. Il pouvait ressentir plus d’anxiété dans ses bras. Et le soulagement a commencé à se répandre dans la poitrine comme en témoignait une meilleure respiration. Il a commencé à s’étendre à d’autres parties du corps, pas nombreuses cependant : un peu dans les jambes. Il était agréablement surpris de ce soulagement qu’il ressentait. Nous lui avons dit : « voilà donc ce dont tu dois te souvenir quand tu te souviens du tsunami et que ton cœur commence à faire cela. Tu poses les mains sur ton cœur, ta poitrine, et tu bouges les bras et peut-être les jambes et vois comment cette peur se répand dans un espace plus grand dans ton corps et ne t’effraie plus autant au niveau du cœur, au point de se mettre à battre de manière irrégulière. » Nous l’avons fait voir en entretien quatre semaines plus tard et à nouveau six mois plus tard et il allait bien. Il a dit qu’il n’avait plus eu les symptômes depuis lors et qu’il était en mesure de gérer sa peur et éviter qu’elle ne devienne trop importante. J’espère que cet exemple a pu vous donner une idée de comment cela se passe dans un cas simple.
Et si nous regardons cet exemple simple sous l’angle des principes que nous avons abordés plus tôt, nous voyons le travail effectué avec le corps physique dans la manière dont nous avons suscité une expansion dans les régions de la poitrine et des bras, et rendues celles-ci plus fonctionnelles ; et accru les flux dans les systèmes cardio-vasculaire et nerveux entre ces deux régions, parmi les trois couches de la physiologie, des muscles, des organes, et dans le système nerveux à travers la prise de conscience, le toucher et le mouvement. Ceci a aussi permis aux expériences difficiles de peur et d’anxiété d’être générées, contenues et tolérées dans une région plus grande de la physiologie et de ne pas stresser la région étroite du cœur par la dérégulation d’un rythme cardiaque irrégulier. Nous voyons aussi dans cet exemple le travail fait indirectement avec le corps subtil. Afin de permettre à l’énergie du chakra du cœur de circuler plus complètement et d’être contenue, la région de la cage thoracique, de l’épaule au diaphragme, ainsi que la région du haut des bras, de l’épaule jusqu’au coude, doivent être ouvertes et connectées entre elles. Ceci peut être considéré comme une possibilité dans les interventions utilisées dans une séance.
Serge : C’est un très bel exemple et d’une certaine manière, ce que j’aimerais faire avec vous maintenant c’est de faire un ‘replay’, comme si nous en avions un enregistrement vidéo. Comme ce n’est pas le cas, et que nous ne pouvons avoir un commentaire de cette vidéo, je vais suggérer aux personnes, alors qu’elles écoutent cet entretien, qu’elles peuvent réécouter un petit passage à la fois et d’être attentifs aux diverses couches dont vous parlez. Ils peuvent ensuite essayer d’appliquer ce principe à une expérience personnelle. Vous savez qu’il y a quelque chose à travailler là où la sensation sous-jacente est « oui, cette expérience est vraiment submergeante ». Ils peuvent alors apprendre qu’il y a une manière de travailler avec celle-ci, et d’autres semblables à celle-ci, en les plaçant dans un contenant plus grand afin qu’elles puissent être métabolisées.
Raja : Oui, c’est une très bonne idée. Mais ils doivent s’assurer qu’ils choisissent quelque chose de petit pour commencer et pas la pire expérience de leur vie, pour tester ceci. Ils doivent aussi se souvenir qu’il faut qu’il y ait une volonté de souffrir un peu dans le cours terme pour ne pas souffrir inutilement de symptômes, à long terme ; et aussi qu’il est toujours plus facile de traiter une expérience difficile avec le soutien d’autres personnes que seul(e). En fait, on ne peut traiter certaines expériences sans le soutien d’autres personnes. Un des outils importants enseigné dans la formation en ISP/PSI est la résonnance interpersonnelle. Nous sommes tous conçus pour nous ressentir et réguler mutuellement, de corps à corps, à travers les fréquences du spectre électromagnétique du corps physique et les fréquences à haute énergie des corps subtils. Ceci peut être effectivement utilisé pour soutenir les clients dans les séances. Une des tragédies de la pratique psychologique qui ne comprend pas la conscience du corps physique et subtil est la sous utilisation de cet outil extraordinaire. De nouveau, ceci n’est pas compliqué à utiliser. Mais requiert un changement de l’état d’esprit au sein de la psychologie occidentale. Comme Robert Stolorow, un brillant psychanalyste intersubjectif, l’a fait remarquer, beaucoup de la psychologie occidentale se perd dans le paradigme qui considère la psyché individuelle comme si elle était isolée, et entourée de limites solides, qui fonctionne comme un robot, utilisant ses senseurs pour la perception et sa CPU / UCP (unité centrale de traitement) pour l’inférence et d’autres expériences. Une telle résonnance interpersonnelle est souvent une expérience primaire dans des expériences relatives à l’attachement et à d’autres relations sans être conscients de la dimension de la résonnance interpersonnelle de telles expériences dans les corps physique et subtil.
Serge : c’est fascinant ! si nous revenons à l’exemple, je suis encore occupé avec celui-ci, l’autre aspect de celui-ci que j’ai trouvé intéressant de noter, c’est que au lieu de porter votre attention sur le client, vous demandez au garçon de bouger son bras et d’observer quelque chose. Et vous le faites avec simplicité et suggérez que cela peut s’achever. J’aimerais vous inviter à traiter à nouveau cet exemple pour que nous puissions l’entendre à nouveau et voir les différentes couches qui sont impliquées.
Raja : Oui, l’éducation du client est une partie importante de cette approche. Les gens ne sont orientés vers le corps. Et la plupart des thérapeutes ne le sont d’ailleurs pas non plus. Ils ont une faible compréhension du rôle du corps dans l’expérience psychologique et des manières avec lesquelles on peut travailler avec le corps dans le contexte du traitement psychologique. Par conséquent, il est important d’éduquer les clients ce qui fait que le corps est si important, comment travailler avec celui-ci, et quels bénéfices peuvent être attendus d’une manière la plus simple possible pour que le client soit motivé et que la séance se déroule bien. Je vais donc l’aborder sous l’angle des principes sous-jacents actifs.
Serge : Oui, bien sûr.
Raja : Une jeune femme des Pays-Bas est venue me trouver alors que j’y donnais une formation. Elle souffrait d’attaques de panique depuis l’âge de sept ans. Lorsqu’elle était jeune, elle entendait une voix venant de son abdomen qui lui disait qu’il était temps pour elle de mourir avant la survenue d’une attaque de panique. Elle était si effrayée qu’elle n’ôsait même pas en parler à ses parents. Elle était enfant unique et n’en parla à ses parents qu’à l’âge de dix ans. Lorsqu’elle se décida enfin à le faire, ses parents ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour qu’elle reçoive la meilleure aide possible, médecins, psychiatres et psychologues. Quand elle vint me trouver, elle avait 21 ans. Elle prenait de nombreux médicaments. Elle avait déjà fait eux analyses avec des psychanalystes. Elle avait des attaques de panique. Elle dormait beaucoup. Était en décrochage scolaire, faisait un travail à faible revenu, vivait chez ses parents, et ne supportait pas que ses parents la laissent seule à la maison. Elle était déprimée et n’avait aucun espoir que quoi que ce soit puisse un jour changer.
A partir de son histoire connue, son oncle m’assistait dans la formation que je donnais là-bas, nous avons immédiatement formulé l’hypothèse que la localisation abdominale pouvait être en lien avec les deux opérations post-natales qu’elle avait dû subir juste après sa naissance, en raison d’une malformation au niveau du système digestif. Il s’avéra qu’un psychanalyste avait fait cette interprétation antérieurement. Elle m’a immédiatement dit qu’elle ne voulait reprendre aucune psychothérapie. Je lui ai dit que je pouvais lui apprendre à éviter que son niveau de stress ne monte jusqu’au niveau qui déclenchait les attaques de panique. Elle semblait ouverte à cette proposition. Je lui ai dit que lorsque nous avons des expériences physiologiques difficiles ou des expériences psychologiques telles que des émotions ou des pensées désagréables notre corps devient stressé. Le corps se contracte alors pour gérer le stress. Si l’expérience physiologique ou psychologique continue, la pression s’accumule, particulièrement si le stress de l’expérience difficile est contractée dans une partie restreinte du corps. La solution est de trouver un moyen d’élargir le corps et répartir l’expérience physiologique et psychologique difficile ou le stress à partir de là de sorte qu’elle devienne plus tolérable et ne déclenche pas un symptôme tel qu’une attaque de panique.
Je lui ai alors demandé de parler de quelque chose qui lui était souvent désagréable dans sa vie. Elle parla de ses interactions avec son patron au travail. Je lui ai demandé de remarquer où son corps commençait à sentir le stress et la contraction autour de cette zone. C’est sans surprise qu’elle pointa son abdomen. Chaque personne a un ou deux endroits dans le corps où de telles choses se manifestent, quelle que soit la source ou la cause. Je lui ai demandé d’y placer la main pour apaiser la sensation désagréable et la contraction et de suivre où le stress se répandait. Il descendit vers le bas de l’abdomen mais avait des difficultés à descendre plus bas. Je lui ai demandé de bouger les jambes en bougeant les pieds et les chevilles et d’observer ce qui s’en suivait. Il y eut d’abord des sensations de picotements dans le bas des jambes et finalement plus de sensation de fluidité dans les jambes. En même temps, il y avait plus de confort dans l’abdomen avec pour conséquence une plus grande aisance au niveau de la respiration dans la poitrine. Il était surprenant de constater qu’il n’y avait pas de peur. Mais, nous ne lui avons pas renvoyé cela tout de suite. Je lui ai dit de faire l’exercice chaque fois qu’elle serait stressée, pendant une semaine et revenir me voir à la fin de la formation que je venais de commencer là. Je lui ai dit qu’elle devait faire le même exercice si elle ressentait de la peur ou de l’anxiété dans sa vie ou pendant qu’elle faisait cet exercice.
Quand elle revint une semaine plus tard, non seulement semblait-elle avoir retrouvé l’espoir mais elle dit qu’elle s’était sentie comprise lors de la première séance plus qu’elle ne l’avait été dans toutes ses séances de thérapie antérieures. Mais ce quelle nous dit ensuite nous a tous surpris ? Elle nous dit qu’elle souffrait de constipation sévère depuis toujours, avec un seul mouvement intestinal par semaine et habituellement avec beaucoup de difficulté. Elle dit que depuis qu’elle faisait les exercices qu’on lui avait prescrits, son symptôme de constipation avait complètement disparu. Elle voulait nous impressionner par le soulagement que cela représentait. Et elle était prête à continuer le travail. Des expressions telles que « cure de transfert » et « transfert extrêmement positif » m’ont traversé l’esprit. Mais, j’ai déjà vu des résolutions de symptômes si rapides grâce à la capacité du corps à s’autoréguler dès lors qu’on lui montre le chemin, et spécialement quand le corps subtil commence à être plus fluide et à interagir davantage avec lui. Indépendamment de cela, j’en avais appris suffisamment alors pour ne pas prendre ces changements rapides, aussi miraculeux qu’ils semblent, comme des indicateurs de succès. Le symptôme doit avoir disparu pendant un certain temps pour qu’on considère que c’est une issue significative. Donc nous avons entamé le second traitement.
La peur est apparue tout de suite. Elle se transforma en terreur et la submergeait au niveau de la poitrine, dans un état proche de la panique. Si on était restés assis là à valider son expérience, elle aurait décompensé et eu une attaque de panique. Mais nous savions ce qu’il fallait faire. Elle aussi, de son expérience de toute la semaine écoulée : il fallait que ça se diffuse dans différentes directions. Nous lui avons demandé de bouger les bras et les épaules pour favoriser une expansion dans cette direction. Nous lui avons demandé de bouger le cou, la tête et le visage et ‘amener la peur dans le visage. Nous lui avons demandé de dire d’abord qu’elle avait peur, et ensuite, que son corps et son cerveau avaient peur mais qu’elle non, de manière à amener de la pleine conscience à l’expérience. Nous lui avons demandé de placer une main sur le cœur pour le réguler. Ce fut une course folle, un travail très dur. Mais elle parvint à y rester et à travailler avec de niveaux élevés d’activation et de terreur qui sont les suspects habituels lors d’une attaque de panique, et à en sortir sans avoir d’attaque de panique. Je lui ai dit à la fin de la séance qu’elle devait continuer à faire ce que nous avions fait dans la mesure du possible comme un exercice chaque fois qu’elle se sentirait stressée, effrayée ou en panique. Et contacter son oncle pour le tenir au courant de sa progression, et contacter un psychothérapeute local formé par nous si elle ne parvenait pas à soutenir ce qu’elle traversait. Elle ne semblait pas aimer la dernière suggestion.
J’ai quitté le pays le jour suivant. J’ai eu des nouvelles par son oncle six semaines plus tard et elle allait très bien. Elle n’avait pas eu d’attaques de panique depuis lors. Elle n’avait eu aucune attaque de panique par ce quelle avait appris à faire avec nous. J’étais soulagé. Je l’ai revue une fois, lors de la formation suivante que j’ai donnée aux Pays-Bas, Six mois plus tard. Il n’y avait rien de spectaculaire lors de cette séance qui ressemblait fort à la première et la deuxième séance, sauf que le processus était devenu plus expansif et moins instable. Elle semblait aussi avoir une plus grande capacité à distinguer les expériences internes et à les nommer. J’ai interprété sa peur comme pouvant être la peur de mourir qu’elle aurait ressentie avant, pendant et après les interventions médicales qu’elle avait subies tout de suite après sa naissance. J’ai aussi suggéré que sa peur de mourir pouvait aussi être liée au niveau élevé d’anxiété ressenti par sa mère qui, elle-même, l’a peut-être héritée de ses parents en lien direct avec l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Ce que j’ai oublié de vous dire plus tôt, c’est qu’elle commençait déjà à réduire ses multiples médicaments selon un plan de sevrage avec son psychiatre qui voulait savoir quels étaient les exercices qui lui avaient été enseignés et qui avaient mené à une remarquable réduction de ses symptômes. Elle n’avait pas seulement quitté son ancien travail pour un nouveau mais avait aussi rencontré un nouvel ami. Elle ne dormait plus autant et faisait du jogging avec son père. Et elle commençait à devenir fâchée et assertive avec tout le monde dans la famille, selon son oncle, ravi qu’elle soit capable de faire cela maintenant.
J’ai fait la dernière séance avec elle six mois plus tard par téléphone. Son grand-père préféré était décédé et elle avait du mal à le supporter. Lorsque nous avons parlé, je lui ai reflété la profonde douleur qu’elle éprouvait et ai suggéré qu’elle pouvait travailler sur cette douleur et la contenir de la même manière qu’elle connaît pour la gestion de son stress, sa peur et son anxiété. A ce moment-là, elle avait cessé de prendre des médicaments. A la fin de la séance, elle me dit qu’elle était étonnée et tracassée par quelque chose. Elle devenait de plus en plus énergique à mesure qu’elle faisait les exercices. Plus elle essayait de diffuser l’énergie, voire même de s’en débarrasser par le mouvement plus elle persistait. J’ai alors réalisé que son organisme commençait à être animé de la force de vie, puisqu’il ne fallait plus la retenir par peur de déclencher des symptômes désagréables voire même dangereux dans son corps. Je lui ai dit qu’il fallait qu’elle commence à utiliser cette énergie vitale de manière constructive pour élargir sa vie. Elle dit qu’elle commençait à envisager de retourner à l’université à temps partiel pour terminer ses études. Je lui ai recommandé de faire cela, en lui suggérant même avec humour que ses symptômes pourraient revenir si elle ne le faisait pas.
Du dernier suivi que j’ai d’elle par son oncle, elle a terminé ses études, a son propre appartement en ville et était en train de faire un voyage à moto en Asie avec son ami. Je dois avouer que je me sentais comme un parent fier, heureux d’avoir pu contribuer un petit rôle sur son chemin. Les vrais acteurs étaient sa détermination à changer sa vie et à faire face et supporter ce qu’elle devait sentir pour pouvoir guérir, la capacité de son corps physique à s’auto-réguler avec très peu d’aide et la capacité de son corps subtil à non seulement contribuer à sa régulation physiologique et psychologique avec une aide minimale mais aussi de bénéficier de la connexion aux corps brut et subtil collectifs avec leur immense sagesse pour la régulation de la vie elle-même.
Serge : C’est un cas plus complexe que le premier.
Raja : Oui. Penchons-nous maintenant sur ce cas en termes de quelques principes de base dont nous avons parlé plus haut, Serge.
Serge : O.K.
Raja : Dans la première séance, lorsque nous avons expansé la contraction dans l’abdomen par l’auto-toucher et le mouvement dans les jambes, les pieds et les chevilles en particulier, afin qu’ils puissent se connecter à ce qui se passait dans l’abdomen et ensuite soutenir ce qui se passait aux deux endroits en conscience, nous l’aidions à augmenter l’autorégulation dans ces régions à travers les trois couches du corps physique, les muscles, les organes et le système nerveux. Nous aidions aussi à faire en sorte que l’expérience difficile dans l’abdomen soit générée, se répande et soit contenue dans une zone de la physiologie plus grande qu’antérieurement, qu’elle soit plus tolérable, comme on pouvait s’y attendre selon la recherche sur la physiologie des émotions. Nous étions aussi en train d’aider à ouvrir les parties du corps physique qui, selon la thérapie par polarité, peut inhiber le flux des énergies du corps subtil à travers les chakras dans le corps physique. Le bas des jambes en-dessous du genou jusqu’à la cheville peut inhiber le flux le l’énergie du chakra du cœur qui est en rapport avec les sentiments à propos de soi et des autres. La zone de la cheville jusqu’au pied peut inhiber le flux énergétique du deuxième chakra qui rend possible le rajeunissement et la créativité et l’accès aux sentiments inconscients et leur origine. Dans un sens, ce pourrait expliquer le niveau profond de la terreur qui a fait surface lors de la deuxième séance après une semaine d’exercices visant à garder la zone des chevilles et des pieds ouverte.
Lors de la deuxième séance, lorsque nous avons aidé à élargir les zones des bras et du cou et tête par le mouvement et la zone de la poitrine par de l’auto-toucher, et à soutenir la terreur et d’autres sensations telles que les picotements dans ces zones, nous étions à nouveau en train d’aider le corps physique à augmenter sa capacité d’autorégulation en augmentant le flux des systèmes cardio-vasculaire et nerveux, à l’intérieur de et à travers les trois couches du corps physique tel que suggéré par les aperçus de la physiologie de l’autorégulation. Nous étions aussi en train de favoriser la création d’un espace plus grand dans la physiologie pour générer, tenir et tolérer les expériences difficiles de terreur, de stress et d’anxiété tel que c’est suggéré par les aperçus de la physiologie des émotions. Une plus grande ouverture de la région de la poitrine par l’auto-toucher et la conscience et par le mouvement des bras et surtout les épaules ont élargi une région qui est cruciale pour le flux d’énergie du cœur autant que le deuxième chakra ou le chakra sacré, les deux chakras les plus connectés à l’approfondissement des sentiments conscients et inconscients, qui dans ce cas étaient la terreur, le stress et l’anxiété. Le mouvement des bras, une zone critique pour le flux d’énergie du chakra de la gorge jusqu’au corps dans la thérapie par polarité, pourrait avoir aidé à augmenter le flux d’énergie du chakra de la gorge. Le plus grand flux de l’élément éther associé au chakra de la gorge peut créer un espace plus grand dans la physiologie en général et pour tous les sentiments en particulier, ce qui a permis que les sentiments impliqués dans la séance puissent circuler plus facilement. Le mouvement de la région du cou, une région importante pour le chakra racine qui régit les questions existentielles telles que la peur de mourir peut avoir fait en sorte que l’affect central dans la peur de mourir n’amène davantage son symptôme à devenir plus conscient. Le mouvement du cou pourrait l’avoir aidée à connecter le système de l’affect facial au système de l’affect viscéral selon un aperçu psychanalytique plus ancien de la théorie de l’affect. Un aspect important de la deuxième séance est le développement de sa capacité à vivre des degrés élevés d’intensité et de terreur sans que ça ne se termine en une attaque de panique ou à un repli consécutif des corps physique et subtil. Dans la théorie de l’état de dépendance, un symptôme formé dans certains états d’intensité doit être renégocié dans environ le même niveau d’intensité pour la résolution du symptôme. Ceci pourrait expliquer sa capacité à ne pas avoir déclenché une autre attaque de panique après cette séance et à revenir de l’apparition de degrés élevés d’intensité sans faire une attaque de panique massive.
Lorsque les corps physique et subtil ne sont plus autant dans un état de fermeture visant à faire face à une expérience insupportable, ils sont alors plus ouverts à la relation avec et à bénéficier des corps brut et subtil collectifs qui nous entourent et dont nous faisons partie, selon la psychologie orientale. Sa plus grande capacité à avoir des relations plus fonctionnelles au niveau professionnel, familial et personnel, à se lancer dans une institution d’apprentissage de niveau plus élevé avec plus de fonctionnalité, de même que la force vitale circulant en elle et dont elle s’étonnait, tous ces changements attestent d’une amélioration dans sa capacité, dans ses corps brut et subtil individuels à entrer en connexion avec et à bénéficier des corps brut et subtil collectifs dont émane une plus grande sagesse que des corps brut et subtil individuels. On pourrait dire qu’elle faisait du Reïki sur elle-même, lorsqu’elle était capable d’établir la connexion entre son corps subtil individuel et le corps subtil collectif de la force de vie universelle d’une intelligence infinie. Les changements remarquables que l’on a pu observer en elle ne peuvent s’expliquer autrement. Pour conclure, il est important de noter que le travail psychologique qu’elle avait déjà fait lors de ses deux analyses antérieures ont eu, j’en suis persuadé, une grande influence sur sa guérison remarquable. Mais en tant que telles, elles n’ont pas résolu les symptômes. Ceci montre l’efficacité qui peut être apportée aux traitements de type psychanalytique s’ils intégraient la notion des corps brut et subtil individuels dans leur travail.
Serge : Bien.
Raja : La plupart des approches thérapeutiques non-corporelles entrent dans le cadre de ce que j’appelle la thérapie au-dessus du diaphragme. Les expériences, dès qu’elles émergent dans la région de la poitrine, sont immédiatement analysées sur le plan cognitif afin de les comprendre. En soi, il n’y a aucun mal à cela car la compréhension est une part tout aussi importante que l’expérience, et que la sensation profonde, dans la guérison. Toutefois, quand la compréhension prédomine dans un processus, la capacité à vivre l’expérience est diminuée. L’expérience continue à être difficile et, d’une certaine façon, difficile à laisser derrière soit. Les associations et les significations augmentent. Et très vite, nous nous retrouvons dans un film de Woody Allen. De tels processus n’ont pas la compréhension que plus une expérience est intense dans le corps physique plus le corps a besoin d’être impliqué pour la générer et pour la contenir. Et la compréhension qui émane d’une expérience profondément ressentie a plus de probabilité d’être pertinente pour la situation. Et, lorsque la physiologie est moins déréglée au cours d’une expérience difficile et qu’elle est plus disponible pour contenir l’expérience, il devient de plus en plus possible de mieux la tolérer tandis qu’on l’examine pour la comprendre et savoir quelle action est nécessaire.
Si nous la regardons du point de vue du corps subtil, la plupart des chakras relatifs aux profonds processus existentiels et inconscients se situent sous le diaphragme. Et la plupart des zones qui régissent le flux des énergies des chakras de la gorge et du cœur sont aussi sous le diaphragme. Donc, les processus au-dessus du diaphragme sont plus susceptibles de rester superficiels et incomplets et de ne pas aller en profondeur, et vont d’associations en significations de l’orientation théorique particulière utilisée dans ce contexte clinique. Non pas que ces processus ne puissent favoriser le changement. Ils le font. Si ce n’était le cas ils n’auraient pas été sur la scène depuis si longtemps. Mais ceci augmente la possibilité de critiques telles que celles de Hillman, célèbre pour avoir posé la question de ce que nous avions à présenter à l’histoire sur cent ans de psychothérapie. Serge, pense aux possibilités si toutes les approches commençaient à intégrer dans leur pratique les différents corps qui constituent un être humain. Et, pour ce faire, ils n’ont même pas à changer l’orientation théorique avec laquelle ils travaillent. Et ce n’est pas si compliqué à faire comme nous avons pu le voir dans les exemples discutés plus haut.
Serge : Il y a la profondeur avec laquelle vous parler des choses. Mais il y a aussi l’aspect pratique avec lequel vous abordez la-es choses. Par exemple, dan le cas auquel vous avez fait référence, de la femme des Pays-Bas, la chose suivante m’a frappé. Lorsque nous sommes confrontés à la peur, nous les humains avons tendance à nous contracter, à nous fermer. D’une certaine façon, c’est une réaction physiologique mais aussi une tendance courante pour éviter l’expérience. Mais vous lui montrez un chemin simple pour s’ouvrir afin qu’il y ait de la fluidité d’une manière telle qu’elle puisse sentir la peur et ne pas être paralysée par elle.
Raja : Vous venez de mettre le doigt sur quelque chose de très important, Serge. Notre tendance naturelle à éviter une émotion déplaisante s’appuie sur le fait qu’elles sont créées par la dérégulation de la physiologie de la survie dans une plus ou moins grande mesure. Des parties du cerveau qui sont plus intéressées par la survie ou l’homéostasie n’aiment pas ces choses et ont tendance à y résister en fermant, dans une mesure plus ou moins importante, la physiologie. Nous pouvons aussi développer des couches de résistance psychologique face aux expériences désagréables qui apparaissent comme des exemples de fermeture au niveau des corps physique et subtil, avec leur chapelet de symptômes . Nous pouvons faire beaucoup de travail avec les corps physique te subtil, avec leur connexion avec les corps brut et subtil collectifs et avec leur connexion au corps absolu de la conscience. . Tout cela ne sera d’aucune utilité, juste un rituel ou un schéma thérapeutique vides, si les gens ne peuvent tolérer les expériences psychologiques qui viennent avec eux, les comprennent, et agissent sur eux de manière à refléter l’incarnation de différentes énergies par différents corps qui se passent temporairement lorsque nous travaillons avec ces corps. C’est pourquoi la capacité à tolérer les opposés est au cœur du modèle d’individuation des la psychologie jungienne et du modèle d’illumination de l’Advaita Vedanta qui offre une plus grande possibilité encore de croissance de la psyché humaine. A propos, la capacité à tolérer les opposés ne fait pas seulement référence à l’expérience passive de sentir et tolérer des états émotionnels mais cela fait aussi référence à la capacité à tolérer le fait d’avoir des croyances opposées et à faire des choses opposées dans le monde ou au moins d’être capable de tolérer le fait d’imaginer que l’on ait des croyances opposées et de réaliser des actions opposées dans le monde.
Cette sagesse est présente dans la psychanalyse, dans le concept de tolérance de l’affect. Le psychanalyste intersubjectif Robert Stolorow en a parlé très simplement lorsqu’il m’a un jour dit que la seule chose que l’on puisse donner à nos clients est la tolérance des affects. Malheureusement, tout le champ de la psychologie est occupé à s’en éloigner. L’accent est mis sur le fait de se débarrasser des affects, de décharger des énergies, de les traiter avec des médicaments, etc. Ceci pourrait être dû à l’échec du secteur à aller au fond des choses. Et ceci, à son tour, pourrait être dû à la manière désincarnée dont la plupart des psychothérapies sont menées. Mais il existe une autre voie, la voie du traitement incarné. Comme nous le savons, nous ne pouvons empêcher les gens d’avoir des traumatismes et d’autres expériences difficiles. Et nous ne pouvons pas non plus juste les ‘réparer’ et les faire partir. Nous devons expérimenter ces choses mais d’une manière sage, en utilisant tout l’organisme pour générer, sentir, réguler et tolérer une expérience submergeante. Ainsi, les gens apprennent qu’ils peuvent survivre à cela et, intuitivement, n’ont pas peur de la vie ni des expériences difficiles qu’elle amène toujours, tôt ou tard, à en croire Bouddha.
Je crois beaucoup à la vertu d’éduquer les gens sur la manière dont leurs corps physique et subtil ont une influence sur leurs expériences psychologiques et sur la manière de s’y rapporter et de travailler avec eux dans les expériences de vie très positives ou négatives et le plus simplement possible. J’ai deux doctorats. Mon premier doctorat est en business avec une spécialisation en marketing. Mon deuxième doctorat est en psychologie clinique. Je sais que si un système ou une approche n’est pas simple à comprendre, facile à utiliser et facile à intégrer dans d’autres systèmes existants, il ne sera pas largement adopté et ne tiendra pas longtemps. Les systèmes de psychothérapie corporelle les plus anciens l’illustrent bien. Pour les psychothérapeutes non axés sur le corps, ces systèmes exigeaient qu’ils étudient tout une nouvelle orientation théorique telle que les structures de caractère et qu’ils adoptent de nouveaux modes d’intervention abracadabrants.
Ces interventions semblaient trop bizarres et risquées et ces approches ne décollèrent jamais, sont restées au sein de petits groupes de professionnels qui se réunissaient de temps en temps lors de leurs propres conférences déplorant le côté désincarné du courant dominant. Le manque d’incarnation dans le courant dominant en psychologie a certes des raisons historiques mais le fait que les psychothérapies corporelles n’aient pas proposé des approches d’incarnation faciles à adopter en est une raison importante, selon moi. Si nous voyons le succès des approches de méditation de pleine conscience centrés sur la sensation corporelle, auprès de la psychologie du courant dominant, cela est éclairant. Si les psychanalystes, quand ils travaillent avec des expériences difficiles telles que les sentiments, quel que soit le cadre théorique de référence dans lequel ils s’inscrivent, comprennent comment ces expériences difficiles apparaissent dans les corps physique et subtil, comment ces corps peuvent se fermer s’il n’y a pas de soutien intérieur et extérieur pour soutenir ces expériences, et comment élargir les corps physique et subtil pour générer, accéder à et tolérer ces expériences avec des outils simples tels que la conscience, l’auto-toucher et le mouvement, il leur serait plus facile de s’incarner, sans avoir à renoncer à leur orientation théorique première ou à faire quelque chose hors de l’ordinaire.
Serge : Hum, hum ? Donc, c’est le chaînon manquant qui peut rendre cela possible.
Raja : Oui.
Raja : Et ce n’est pas si difficile à faire, en réalité. C’est mon expérience de traiter des gens et former des gens dans au moins 16 pays au cours des 20 dernières années. Ca a aussi été mon expérience parmi les survivants du tsunami en Inde et les survivants de la guerre civile au Sri Lanka. Cela me donne la foi que cela est réellement faisable. Et en ce qui concerne l’introduction du corps subtil, c’est vraiment encourageant parce que la physique quantique et en train d’ouvrir la voie, même si cela n’a pas encore vraiment eu d’impact en psychologie, même en tant que niveau plus profond du corps physique. On ne sait pas vraiment comment étudier même le niveau quantique du corps physique en psychologie parce que nous ne pouvons observer, à partir de scanners du cerveau, que le comportement des neurones qui ne sont absolument pas au niveau subatomique. Dans la recherche en physique quantique au CERN en Europe, les particules atomiques et subatomiques sont manipulées pour qu’elles s’entrechoquent entre elles ou contre des barrières à des vitesses proches de la vitesse de la lumière dans des tunnels souterrains appelés des super- collisionneurs super-conducteurs, pour étudier les particules subatomiques plus fines qui apparaissent comme des blibs sur les écrans d’ordinateurs pendant des microsecondes. Donc, la manière dont évoluera la mise en évidence de l’existence de ces choses dans notre corps physique et dans la dimension de notre corps subtil n’est pas claire et l’inférence à partir de ces recherches est ce dont nous disposons pour l’instant. Cependant, ce que nous savons par la psychologie orientale est que la conscience, même si elle peut sembler limitée et si elle semble être une fonction du cerveau, ou du corps subtil pour ceux pour qui c’est une réalité, est super-ordonnée à tous les niveaux de notre existence. Aussi longtemps que la psychologie croira que notre conscience est une fonction de notre cerveau physique au niveau de notre corps brut, il y a un problème. Heureusement, la psychologie a aussi pour tradition de valoriser et de travailler avec l’expérience subjective quelle que soit sa source, et aussi de garder des modèles de la psyché simplement comme des modèles de la psyché et d’évaluer les approches psychologiques davantage sur les résultats de leurs interventions plutôt que sur la vérité du modèle sous-jacentes aux interventions. Donc, aussi longtemps que nous savons comment amener à la conscience de quelqu’un ou de travailler autrement avec les phénomènes qui sont supposés émaner d’un corps de niveau quantique, ceci n’est pas aussi difficile qu’on à tendance à le croire, et ont des résultats qui le montrent, cela n’a pas vraiment d’importance que l’on travaille avec le niveau quantique du corps physique ou avec un autre corps au niveau quantique appelé le corps subtil ou juste des phénomènes du corps physique incompris ou mal dénommés, comme certains le prétendent. Ce que je veux dire ici pour les vrais non-croyants est que si des phénomènes inhabituels peuvent être amenés à la conscience des gens et que le travail avec ces phénomènes les aide vraiment, cela n’a pas d’importance que le modèle sous-jacent soit un mythe ou une métaphore d’une réalité. Si ceci aide, je crois que nous devrions sérieusement envisager de les adopter, surtout quand nous obtenons de grands résultats grâce à eux.
Serge : Bien, bien. Donc, d’une certaine manière il y a aussi une similarité avec la physique quantique. On peut le voir comme quelque chose de très théorique et abstrait. Mais, de temps en temps, il y a aussi quelques expériences qui montrent qu’il existe une correspondance entre la théorie et ce qui se passe. Et, en un sens, ce n’est pas nécessairement la preuve que le modèle théorique est la vérité absolue mais certainement une indication que cela a du sens d’avoir recours au récit fourni par la théorie pour travailler d’une certaine manière.
Raja : Oui, avec une réserve, Serge. Il pourrait y avoir d’autres modèles théoriques dont d’autres n’ont pas imaginé qu’ils pouvaient prédire le même comportement parmi les particules sous-atomiques observables ! Encore une réflexion sur la source de notre conscience. Même si la conscience est une fonction du corps brut, ce qui est l’hypothèse maintenue par la science bien que sans aucune preuve, elle pourrait être une fonction du niveau quantique du corps brut. Pour la psychologie orientale, il ne s’agit ni d’une fonction du corps brut ni du corps subtil, que ce soit au niveau individuel ou collectif : elle est bien au-delà de cela mais, en même temps, elle est la base immuable de tout. Fascinant, n’est-ce pas ?
Serge : Super ! Bien, Raja, ce fut un plaisir. Merci. Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour conclure ou pensez-vous que nous pouvons arrêter ici cet entretien ?
Raja : Je crois que c’est un bon moment pour arrêter. Nous sommes allés aussi loin que nous pouvons ! J’ai vraiment apprécié cet entretien, et je vous remercie vraiment. Et espère, j’espère que dans les années à venir la psychologie et la psychothérapie seront plus incarnées, dans le corps, quelle que soit leur orientation théorique. Et j’espère que je pourrai apporter ma petite contribution à ce processus d’incarnation et à l’augmentation de l’efficacité clinique qui suivra dans le traitement de problèmes ordinaires que des gens ordinaires en recherche d’aide nous amènent en thérapie. Mon but est de continuer à trouver ou à développer des manières plus simples pour aider les cliniciens ayant des bases diverses à incorporer et incarner nos différents corps dans leur travail. Je pense que cette démarche va m’occuper pour le reste de mes jours !
A propos de Raja Selvam :
Raja Selvam est un formateur expérimenté dans les programmes de formation professionnelle sur le traumatisme en Somatic Experiencing de Peter Levine et il est le concepteur de la Psychothérapie Somatique Intégrale (ISP/PSI), une approche avancée pour intégrer le corps, l’énergie et la conscience dans tout processus psychologique, à l’attention de cliniciens expérimentés. L’approche éclectique de Raja s’inspire des systèmes de travail corporel de l’Intégration Posturale, de la Thérapie Biodynamique Crânio-Sacrée et de la Thérapie par Polarité, des systèmes de psychothérapie corporelle de la Thérapie Reichienne, de la Bioénergie et de l’Analyse Bodynamique, des psychologies Jungienne et Archétypale, des écoles psychanalytiques des Relations d’Objet et de l’Inter-Subjectivité, e la Somatic Experiencing® (SE™), des Neurosciences Affectives et de l’Advaita Vedanta, une tradition spirituelle d’Inde. L’article de Raja sur le traitement des symptômes du traumatisme chez les survivants du tsunami a été publié dans Traumatology (Septembre 2008). Jung et la Conscience a été publié dans le journal de psychologie analytique Spring (Automne 2013). Raja enseigne aux Etats-Unis, en Angleterre, France, Allemagne, Autriche, Suisse, aux Pays-Bas, en Belgique, au Danemark, en Russie, Italie, Israël, Inde, au Sri Lanka, à Hong Kong, en Chine et au Sri Lanka.